Je crois bien que le bouquin dont je vais vous parler est celui qui m’a mise le plus mal à l’aise depuis… et bien depuis toujours, en réalité. Et quand je dis mal à l’aise, c’est très en deçà de la réalité ! Au fil de ma lecture, j’ai même ressenti un malaise physique : nausée, palpitations, mains moites.
J’avais ce bouquin dans ma liseuse, il y dormait depuis un certain temps, téléchargé lors d’une énième promotion éclair. Je l’ai commencé, sans vraiment me souvenir de quoi il parlait. Dévoré en quelques heures, je pense qu’il me faudra longtemps pour m’en remettre.
Il s’agit du roman de Jack Ketchum, Une fille comme les autres.
Cela commence gentiment, une atmosphère surannée, les États-Unis à la fin des années 50. Une ambiance à la Stand by me de Stephen King. Mais vite, très vite, cet été ordinaire se met à grincer, ça coince aux entournures, et le lecteur prend conscience que la bande de pré-ados décrite va faire quelque chose de mal. Et en effet, Meg, la jeune orpheline recueillie par de lointains cousins avec sa petite sœur, va devenir la cible de la haine de sa tante. Celle-ci va entraîner les autres enfants dans une spirale de violence gratuite, une escalade épouvantable dans la torture, dont Meg va faire les frais.
Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas spoiler le roman.
Tout au long de ma lecture, une petite voix n’a cessé de répéter « non, non, non, non… » J’ai également beaucoup pensé à la célèbre phrase de Nietzsche « si tu regardes dans un abîme, l’abîme aussi regarde en toi ».
La narration est à la première personne, ce qui entraîne une identification dérangeante au (faux) héros, et fait de la lecture une plongée en apnée dans un monde trouble, fait de pulsions mal maîtrisées et de noirceur ordinaire.
Car, au final, ce que je retiens de cette lecture, c’est une profonde interrogation sur la nature du mal, sur les bases somme toute très banales de l’acceptation de la barbarie. J’ai pensé à l’embrigadement nazi, qui a transformé de simples soldats en monstres. Et puis je me suis dit que c’était trop confortable de ne toujours ramener les choses qu’à cet unique exemple. Car sadisme et cruauté sont toujours présents, les preuves de la fragilité de la conscience morale pullulent : Ilan Halimi, ce petit garçon mort dans le tambour de la machine à laver familiale, la petite Fiona dont les assassins passent en procès en ce moment-même. Et tant d’autres… Il suffit d’ouvrir les pages faits-divers de n’importe quel journal pour s’en convaincre.
Ketchum nous pousse à regarder bien en face le processus qui amène des personnes lambda à abdiquer de leur humanité pour ouvrir grand la porte à leur côté obscur. Les tortionnaires de Meg pourraient être n’importe qui, pour peu qu’ils se sentent autorisés à le faire par une autorité supérieure. N’importe qui. Vous. Moi.
Et c’est sans doute cette vérité fondamentale qui trouble autant, de savoir que chacun de nous n’est qu’à un fil de basculer. Une vérité effrayante.
En dépit du violent coup de poing que l’on se prend au creux de l’estomac, je vous recommande chaudement Une fille comme les autres. C’est une lecture dure, surtout pour les âmes sensibles. Mais, surtout, ne vous abstenez pas ! C’est une lecture nécessaire pour devenir de meilleurs êtres humains. Pour l’acheter, cliquez.
merci Céline pour ce commentaire destiné à donner l’envie de lire le roman.
Moi cela ne m’a pas convaincue. Il y a une petite voix en moi qui me dit de le lire mais il me semble que c’est une voix presque de voyeurisme… alors je n’ai pas envie de l’écouter, de me plonger dans l’horreur. il me semble aussi que je n’ai pas envie de comprendre le processus qui pousse n’importe qui à des ultimes cruautés.
Les sensations que tu décris, je les ai ressenties en lisant « comme un moineau » mais en moins fort que ce que tu as ressenti. Cependant, cette histoire permet de comprendre et de ne pas rejeter totalement ces deux héros qui somme toute sont si attachants et émouvants.
Oui… le coeur qui s’emballe, des palpitations d’horreur et le non ! non ! ils ne vont pas faire ça… !
« Comme un moineau » à mon avis est certainement tout aussi palpitant et révélateur du sadisme et de la barbarie ! en tout cas, je conseille cette lecture en plus de ce roman
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C’est drôle, j’ai justement pensé à « Comme un moineau » à la fin de ma lecture. Je suis dans la même démarche de tentative de comprendre et d’expliquer, mais je vais moins loin que Ketchum.
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