S’il y a un truc qui m’énerve bien en cette période, ce sont les gens qui se plaignent de leurs gosses et des cadeaux offerts à Noël dernier. Le petit dernier a déjà pété son Spiderman automate qui balance des toiles partout, alors que le dit Spiderman avait coûté les yeux de la tête aux parents.
Ça fait déjà trois fois qu’ils changent les piles de la lampe torche Pat Patrouille, parce que le bibou oublie de l’éteindre avant de se coucher.
Et Machine a oublié sa Barbie dernier cri à la garderie, qu’ une gamine bien maline s’est empressée de faire disparaître.
Le bébé a dégobillé environ douze fois sur le t-shirt baby Dior en soie payé 100€.
Ce sont les mêmes qui nous ont gonflés tout le mois de décembre avec les cadeaux qu’ils avaient choisi amoureusement pour leur progéniture, les yeux dégoulinant de tendresse parentale.
Z’avaient qu’à pas en faire, de gosses, merde alors !
Quel adulte normalement constitué peut ignorer qu’un môme ça casse, ça détruit, ça salit ???
Je veux bien prendre en compte le fait que l’idée d’avoir des gosses est le fruit d’une conspiration mondiale des humains entre 50 et 85 ans, mais quand même ! Les vieux conspirent, mais nous avons encore notre libre-arbitre.
Mais je sens qu’une petite digression s’impose, là. Je vois vos yeux d’imbéciles heureux qui se lèvent et vos sourcils qui se froncent pour prétendre réfléchir.
Oui ! Cette conspiration existe. Les vieux veulent nous voir nous reproduire, pour avoir un vivier dans lequel puiser plus tard leurs réserves d’infirmières dévouées, de médecins complaisants, de notaires scrupuleux et de classes moyennes payeuses de retraite.
D’ailleurs, si vous regardez bien, les vieux, ils ont toujours plein de bons conseils à vous donner pour élever vos enfants, mais ils ne les mettent jamais en application. Dès que vous avez le dos tourné, ils les gavent de bonbons, de gâteaux, de Kinder surprise, de trucs en chocolat qui bousillent définitivement le t-shirt Dior susnommé.
Et pourquoi ça ? Parce qu’ils savent bien que dans 20 ans, quand ils se retrouveront entre les mains des infirmières, des médecins, des notaires et consorts, de qui les morveux se souviendront-ils avec plus d’émotion ? De leur mère qui leur foutait une taloche pour qu’ils aillent se laver ou de la grand-mère qui leur bourrait les poches de dragibus et de pièces de 2 balles ?
Alors ? C’est pas une preuve que la conspiration existe ?
Vous doutez encore ? Il vous faut une preuve supplémentaire ?
Ok.
Plongez-vous dans vos souvenirs, quand vous aviez entre 20 et 25 ans. Combien de fois vos potes de fac vous ont-ils exhortés à faire des gosses ? Et vos compagnons de beuverie du samedi soir ? Réponse : jamais.
Et votre grand-mère ? Et votre mère ? Réponse : toutes les dix minutes.
Ça y est ? Convaincus ?
Si oui, passez à la suite.
Si non, allez voir ailleurs.
Bref, une fois pris dans les filets des conspirateurs, vous avez laissé tomber votre intelligence, avez passé entre 3 et 10 minutes à la partie conception de la chose et hop ! vous voilà parents…
En règle générale, les jours passés à la maternité ne vous permettent pas encore de regretter vraiment. Madame reste alanguie sur son lit, en chemise de nuit chiffonnée, à contempler d’un air béat et plutôt débile les 3 kilos de rôti dans le berceau en plastique. Le rôti roupille tout le temps, le fourbe. Il prend des forces pour la suite. Les cadeaux et les fleurs pleuvent, les commentaires idiots et hypocrites aussi.
Pendant ce temps, monsieur, entre les allers-retours à la clinique et les cuites avec les potes, n’a pas loisir de penser.
Mais ces jours bénis ont une fin. Dès la première nuit à la maison, vous commencez à prendre la mesure de votre erreur. Car le rôti passe à l’action. Il hurle, de préférence à l’heure où vous goûtez un repos bien mérité. Il gerbe, de préférence sur vos jolis habits. Il pisse, il chie, il déborde de matières diverses et variées, dont vous auriez préféré ignorer l’existence jusqu’à la fin de vos jours.
Un soupçon de regret et de panique commence à vous tarauder, mais vous ne pouvez que continuer, car la loi humaine est ainsi faite que vous venez de vous prendre perpète, juste pour avoir voulu faire plaisir à mamie.
Et au lieu de souffrir en silence, il faut encore que vous veniez nous assommer avec votre malchance : photos, vidéos, anecdotes… tout est bon pour vous venger sur votre voisin.
Je ne m’appesantirai pas sur les premières années des chérubins, il faut déjà suffisamment les supporter sans devoir en plus en parler.
Car les gosses sont partout, presque aussi omniprésents que les vieux, mais encore plus bruyants.
À la téloche, dans les magazines, dans les restos, sur les lieux de vacances.
Pendant des années et des années, vous – et moi, par force – traînez ces boulets sans rien en tirer de bien intéressant.
Passons donc directement à ce qui devrait être un moment passionnant : l’adolescence.
Vous en avez rêvé de ces moments d’intense fusion intellectuelle avec vos lardons. Lorsqu’enfin ils auraient acquis un minimum de réflexion, et seraient capables de vous comprendre.
Las ! Ils sont encore pires que lorsqu’ils étaient petits. Et pour couronner le tout, ils ne réagissent plus du tout à votre autorité.
Essayez donc d’envoyer au lit un gamin de 16 ans sous prétexte qu’il vous a manqué de respect…
L’ado est un être sale, puant, qui planque ses chaussettes sous son lit. Il n’a pour religion que les soi-disant voies de communication moderne : téléphone portable dernier cri, Snapchat, TikTok, Instagram. .. trucs auxquels vous ne comprenez rien, ayant passé trop de temps dans les réunions de parents d’élèves pour vous tenir au fait des avancées technologiques de ces dernières années.
Vous cherchez pitoyablement à comprendre comment on peut parler de communication, pour des outils qui consistent essentiellement à s’enfermer dans sa chambre. Vous pestez de vous voir interdire l’accès à ladite chambre, d’où émanent des effluves étranges (sous-vêtements ayant perdu de vue le chemin d’accès au panier à linge, emballages de fast-food ayant développé leur propre forme de vie, cigarettes pas franchement légales, bâtonnets d’encens censés couvrir toutes les odeurs précédemment citées…).
Vous enragez de ne pouvoir avoir de conversations où la participation de votre ado dépasse l’onomatopée. Vous pleurez en sortant la poubelle, après avoir demandé 42 fois en 3 heures à l’ado de le faire. Vous prenez en pitié le chien qui vous jette des regards mornes, car il a fait définitivement une croix sur les longues promenades du samedi après-midi, avec l’enfant qui lui lance inlassablement des bâtons (entre nous, le chien est plus malin que vous, il a compris au moins un an avant).
L’ado ne produit rien, l’ado ne comprend rien, l’ado est une plaie.
Et le jour où vous vous surprenez à claquer la porte de la salle à manger en hurlant « de toute façon, ici, personne ne me comprend, personne ne m’aime« , vous réalisez enfin que votre vie entière n’est qu’un foutu gâchis, et que les options qui s’offrent à vous sont plus que limitées : bouffer du cacheton pharmaceutique pour les dix prochaines années (en gros, jusqu’à ce que l’ado vous mette en joie en vous déposant entre les bras ce qui sera sa punition pour vous avoir si mal traité : son premier gosse) ou trucider l’ado (mais ça, c’est interdit).
Les seuls d’entre vous qui pourraient trouver une vague utilité à l’ado sont ceux qui ont été assez cons pour ne pas comprendre leur bêtise la première fois et qui ont pondu d’autres têtards. Dans ce cas-là, l’ado peut servir : il garde les autres têtards une fois par an quand vous vous offrez LA sortie resto et théâtre pour votre anniversaire de mariage.
Bien fait pour vous ! Et pour ceux qui ne sont pas encore empêtrés dans cette situation, vous ne direz pas que vous ne saviez pas.