J’ai une bonne copine, que je ne nommerai pas car elle est aussi modeste qu’elle est radine. Elle est le modèle vers lequel je tends, l’idole à laquelle je m’identifie. Elle a totalement maîtrisé les mécanismes qui régissent notre société et est fermement décidée à les tenir en échec jusqu’à la fin de ses jours.
Je suis trop novice en matière de radinerie pour pouvoir juger si elle a réussi, mais en tout cas, elle s’y emploie avec ferveur, jour et nuit. C’est uniquement une question de convictions, car elle a d’énormes moyens financiers. Si elle était au RSA, son combat serait louche, puisque forcé. Ce n’est que dans l’opulence que l’on peut saisir toutes les subtilités d’une ladrerie assumée.
J’aime bien la provoquer un peu, juste pour voir.
L’autre jour, je lui propose que nous déjeunions ensemble, pour papoter gaiement de choses et d’autres. Nous nous donnons rendez-vous en centre-ville. Sitôt les 2 bises de rigueur échangées, je me dirige d’un pas alerte vers un nouvel établissement qui vient de s’ouvrir, un snack cossu dont on m’a dit le plus grand bien.
Sa réaction n’a pas tardé. Elle m’a empoignée par le coude pour me traîner jusqu’au Champion tout proche. Nous avons acheté un paquet de pain de mie (en promo, car périmé le lendemain), 2 tranches de jambon sous vide et une bouteille d’eau de source. Avec nos sandwiches improvisés, nous avons pique-niqué sur un banc.
Bon, j’avoue que la discussion a été assez sommaire, le pain de mie et le jambon sans rien d’autre, c’est sec. C’est dur de parler avec cette pâte collante dans la bouche. Mais comme elle me le fit remarquer, il n’aurait servi à rien de dépenser de l’argent dans un morceau de beurre, puisque nous n’avions rien pour l’étaler.
1 point pour elle.
De toute façon, même avec du beurre, il faisait tellement froid que si j’avais cherché à dire quelque chose, ç’aurait été inintelligible, alors…
L’avantage avec elle, c’est que tout est toujours bien pensé. Après notre frugal repas, nous avons cherché ce que nous allions faire du reste de l’après-midi. Les soldes ? Hors de question, pfff.
Nous avons décidé d’aller chez elle. Et là, son appart chauffé à 14° paraît quasi tropical après une demi-heure à se geler le popotin sur un banc public.
Géniale, je vous dis.
D’autant qu’après 4 tasses de thé chacune (avec le même sachet), nous étions passablement réchauffées. D’habitude, je l’aime très fort et très sucré, mon thé, mais elle m’a convaincue qu’ainsi je finissais ma journée avec moins de théine dans le sang, et surtout moins de sucres. Sur le long terme, ça peut faire une vraie différence : moins de médicaments à acheter (et au train où vont les choses, qui pourra encore se payer des médocs dans 10 ans ?), moins de vêtements aussi (pas de sucre = pas de kilos attrapés qui font changer de taille).
Les 2 seuls points noirs de cette journée formidable, c’est le gros bleu à la cuisse que je me traîne depuis une semaine et ma cheville foulée. Ma copine a pour principe de n’utiliser l’électricité qu’en cas d’absolue nécessité. Comme ce n’est pas mon appartement, je n’y ai pas mes repères.
J’ai voulu aller aux toilettes pour évacuer tout ce thé. Une goutte de cire chaude m’a brûlé la main qui tenait la bougie, j’ai sursauté et je me suis cognée contre le grand coffre dans le couloir. Celui dans lequel elle remise les papiers cadeaux et les bouts de bolduc qu’elle récupère (je me demande bien pourquoi, elle a pour règle de ne jamais faire de cadeaux, les vrais sentiments ne pouvant être exprimés au travers de colifichets débiles).
Forcément, au moment de rentrer chez moi, j’avais encore mal à la jambe et j’ai loupé une marche de l’escalier. Dans le noir, les vieux escaliers, ça peut être traître. Mais je tiens à respecter son désir qu’on n’allume pas pour monter ou descendre. Elle a calculé que si tous ses visiteurs le font, divisé par le nombre de copropriétaires, ça lui fait économiser 75 € par an en charges. Avec 75€, elle vit 3 semaines, ça vaut bien une cheville foulée, non ?
Bon, je vous laisse, elle m’attend. On va se faire un resto (enfin un McDo).
Quel périple!
J’aimeAimé par 1 personne