Il en est des livres comme des personnes, certaines rencontres improbables, dues au plus grands des hasards, se révèlent belles.
Il y a une quinzaine de jours, j’étais à un salon du livre où je dédicaçais mes ouvrages. Pendant un moment de creux, j’ai déambulé dans le salon, comme je le fais toujours, à feuilleter les livres de mes collègues auteurs. Et là, sans que je sache bien pourquoi, j’ai été attirée par un gros pavé jaune. La couverture est ornée du tableau d’un artiste local que je n’apprécie pas plus que cela. La rencontre commençait mal… J’ai feuilleté rapidement le lourd roman, et j’ai regagné ma table.
Un peu plus tard, mon esprit ne cessant de revenir sur les quelques phrases happées ci et là, je suis retournée voir l’auteur. Et j’ai acheté le livre.
Il s’agit de « Et la nostalgie camarade ! » de Serge Lesbre, aux éditions de La Galipote. Un drôle de bouquin, qui fait la navette entre le passé (du début du 20e siècle jusqu’en 1952) et un présent situé principalement en 2005. On y découvre l’histoire familiale et l’enfance du narrateur, Antoine, que l’on soupçonne fortement d’être le fidèle alter ego littéraire de l’auteur, ainsi qu’une petite partie de son âge adulte.
Découvrir Clermont-Ferrand et ses environs dans la première moitié du 20e siècle est déjà un vrai bonheur (d’autant que j’ai vécu plus de dix ans dans le même quartier que l’Antoine du livre), que même les non auvergnats pourront déguster. Redécouvrir la vie quotidienne entre les deux guerres, et le début des années 50, voilà qui est plaisant. D’autant que, ne vous y trompez pas, on est là bien loin du roman dit de terroir, souvent bien trop empreint de misérabilisme et de « c’était mieux avant » pour me plaire. Les histoires de pauvres gosses sans le sou qui parcourent dix kilomètres en sabots sous la neige pour aller à l’école, très peu pour moi !
Ici, les souvenirs sont peints avec une verve truculente, une candeur joyeuse souvent, grave parfois, qui ne peut qu’emporter le lecteur. Et il ne s’agit pas non plus d’un catalogue de faits et événements sans profondeur. Au fil des pages, beaucoup d’interrogations sur la famille, l’enfance, la vie, la fatalité des destins, la construction de la résilience, viennent en filigrane donner de l’émotion et prêtent à la réflexion. Le narrateur se livre sans fausse pudeur, n’hésite pas à évoquer les aspects les plus troubles de sa jeunesse. Un saut dans le vide courageux. D’aucuns pourraient lui reprocher ces questionnements intimes proches de la confession chrétienne ou de la séance de psychanalyse. Soit. Je gage que curés ou psys ont rarement l’occasion d’entendre de ces envolées aussi bien tournées !
Il y a de l’humour, de la politique, du sexe, de l’amour… y’a d’la joie !
Toutes les parties actuelles tournent autour d’un petit mystère, dont la révélation clôt le livre, une fin qui éclaire encore plus la personnalité protéiforme de l’auteur-narrateur.
Bref, vous l’avez compris, je l’ai dévoré, et beaucoup aimé.
Le seul point noir du livre (et ceux qui me connaissent savent à quel point cela peut être rédhibitoire pour moi), c’est que l’éditeur a fait l’économie d’une correction rigoureuse. Il reste d’innombrables coquilles, qui me sont aussi douloureuses que des coups de pied répétés dans le tibia. Mais la qualité du texte a réussi à compenser ce défaut, et je me suis accrochée quand même.
Le livre est disponible en papier ici et en numérique là.
Pour ceux qui l’ont lu, ou le liront, si vous êtes capables de m’expliquer le pourquoi de « Born », je suis preneuse, je n’ai pas réussi à trouver 😉
Je ne sais pas si je peux dire que j’ai eu la chance de l’avoir comme prof d’histoire-géo et de français et je suis surprise qu’il ait pu laisser des coquilles, cela ne ressemble pas à celui qui a marqué à jamais ma mémoire… d’une empreinte dont je ne peux publiquement pas parler…
J’aimeAimé par 1 personne