En l’honneur de cette journée internationale des droits de la femme, je vous offre une nouvelle en lecture libre, que vous pouvez retrouver dans mon recueil « Pause Cigarette ».
Bonne lecture !
Contre vents et marées
La journée avait pourtant débuté comme une journée ordinaire, ni pire, ni mieux. Une matinée de semaine banale. Sans doute que j’étais un peu plus fatiguée que d’habitude, je m’étais couchée tard. Faites confiance aux gosses pour vous pourrir une soirée en moins de quinze secondes.
20 h 30, j’avais déjà couché Léa, la petite dernière, et je m’apprêtais à raconter une histoire à Benjamin. Et le voilà qui me sort de sa petite voix aigrelette, un peu sifflante à cause des dents en moins :
« Au fait, maman, j’ai oublié de te dire, demain il y a un goûter à l’école. On a nos correspondants de Rouen qui viennent passer la journée avec nous. Moi, j’ai dit que j’amènerais un gâteau. »
Hein ? Un gâteau ? Ma première réaction a été de lui dire d’aller se faire voir avec son gâteau. Mais je n’ai rien dit, bien sûr, en bonne mère. Il a ajouté :
« Un joli gâteau, décoré, ça serait bien », du ton définitif qu’un milliardaire habitué à ce qu’on exécute ses moindres désirs emploierait en réclamant une bouteille rarissime au sommelier d’un restaurant. Sans appel.
J’avais au moins mille choses bien plus intéressantes, ou urgentes, à faire plutôt que de me coltiner un gâteau ! Mais j’ai juste soupiré, maudit ce foutu gosse en silence, et je suis partie à la cuisine. J’ai quand même eu une satisfaction avant de sortir le paquet de farine du placard. Quand je me suis levée de son lit, Benjamin m’a demandé, étonné :
« Ben, et mon histoire ? »
Je lui ai balancé :
« Ah, mon chéri, pas d’histoire. Je ne peux pas à la fois faire un gâteau et lire un livre. »
Forcément, le temps d’inspecter mes réserves, de trouver une recette qui corresponde aux quelques ingrédients disponibles, de confectionner le gâteau, et d’attendre la fin de la cuisson, il était presque 23 h. La cuisine était en chantier, personne n’ayant jugé bon de ranger ou nettoyer quoi que ce soit après le dîner.
Comme chaque soir, Grégory s’était affalé devant une connerie quelconque à la télé, et Arthur s’était réfugié dans son monde imaginaire de soldats sur-armés qui zigouillent tous ceux qu’ils rencontrent. À deux ou trois reprises, ils sont venus dans la cuisine, boire un verre d’eau, bouffer un truc ou inspecter simplement le contenu du frigo en soupirant entre leurs dents qu’il n’y avait décidément jamais rien à bouffer dans cette maison. Aucun des deux ne s’est demandé ce que je faisais, ni pourquoi je le faisais. Ou, s’ils se le sont demandé, ils n’ont pas jugé bon de ME le demander.
Le temps de charger le lave-vaisselle, de passer un coup d’éponge, de démouler le gâteau et de préparer la table du petit-déjeuner, minuit approchait à grands pas. J’avais eu le projet de me laver les cheveux, il était trop tard pour ça, il me fallait me résoudre à l’idée d’avancer l’alarme du réveil d’une demi-heure.
Dans la chambre, Grégory ronflait doucement, et je me suis cognée contre le coin du lit en essayant d’aller me coucher sans allumer. J’avais à peine installé la couette sur moi que j’ai entendu Léa pleurnicher dans sa chambre. Je savais d’expérience que si personne n’y allait, elle allait très vite se mettre à hurler, et réveiller tout le monde. Un instant, j’ai été tentée de secouer Grégory et de l’envoyer s’occuper du drame qui se jouait à quelques mètres de nous : le doudou caché sous la couette, la tétine égarée sous l’oreiller, ou la couche mouillée qui dérange. Mais je me suis dit que c’était quand même un peu injuste de le réveiller alors que j’étais à peine couchée. J’y suis allée. Cette fois, c’était le pyjama, un peu long, qui s’était entortillé autour de sa jambe et qui lui donnait l’impression d’être prisonnière. Les terreurs d’une petite de 2 ans, intenses mais heureusement de courte durée.
Forcément, quand le réveil a sonné à 6 h, j’étais d’une sale humeur, énervée avant d’avoir posé un orteil par terre. Grégory a grommelé :
« Pourquoi tu te lèves si tôt, merde ? Je dormais bien ! »
Il s’est aussitôt rendormi, veinard qui bosse à un kilomètre de la maison, qui y va à pied, sans connaître l’enfer de l’angoisse des encombrements, et qui du coup se lève à 8 h 15 seulement. Il commence à 9 h, et part tranquillement, frais et dispo, à 8 h 45, bien après tout le monde. Il est vrai que moi aussi je commence le boulot à 9 h, mais je dois aller jusqu’à Paris. Je sors, je monte dans la voiture, après avoir installé tout le monde, je tourne à gauche. Premier arrêt, la nourrice, à 800 mètres de la maison, bisous, câlins, à ce soir Léa. Deuxième arrêt, l’école, bisou furtif, il ne faut pas que les copains voient Benjamin faire preuve d’humanité avant d’entrer à la garderie. Troisième arrêt, le collège, un « salut » maugréé à contrecœur par un Arthur boudeur. Quatrième arrêt, le parking de la gare RER. Changement à Châtelet, métro, marche à pied, et ouf ! Me voilà rendue.
Même trajet en sens inverse le soir, sauf que je récupère tout le monde chez la nounou, un Arthur encore plus renfrogné, parce qu’il trouve indigne pour un garçon de son âge de devoir encore aller chez la nourrice, alors que tous les potes rentrent chez eux. Ça fait marrer Grégory, moi pas. Il pourrait par exemple se charger de Léa au moins. Son argument c’est que lui part à droite le matin, et que de l’emmener lui ferait revenir sur ses pas, alors que moi je passe devant en voiture. Si j’insiste un peu, il me renvoie le prétexte massue qu’avec moi, Léa fait le trajet au chaud et au sec, alors qu’avec lui ça serait à pied, sous le vent et dans le froid, trempée comme une souche à cause de la pluie. À l’entendre on croirait qu’on vit dans une région au climat polaire, avec une saison des pluies de 350 jours par an !
Je ne dis rien parce que je sais quelque chose qu’il ne sait pas encore, je me suis bien gardée de le lui dire. À partir de septembre prochain, le nouveau groupe scolaire va être inauguré, et Léa y fera son entrée à la maternelle, tandis que Benjamin intègrera le CE1. Et cette nouvelle école est à peu près à mi-chemin entre la maison et le boulot de Grégory. Arthur rentrera au lycée, il prendra le bus scolaire. Et moi, joie, bonheur, je n’aurai plus qu’à m’occuper de moi-même, tandis que Grégory se coltinera les deux petits.
Quand je suis entrée dans la cuisine, les cheveux propres et l’œil cerné, Arthur et Grégory étaient en grande conversation, aucun des deux n’a daigné lever un œil vers moi, ils ont continué à discuter, la bouche pleine de céréales. Ils postillonnaient des petits morceaux de corn-flakes sur la table, et, de temps à autre, une goutte de lait s’échappait, tremblotait une seconde sur le bord de leur lèvre inférieure avant d’aller s’écraser sur la nappe propre. Benjamin les regardait avec envie, oublieux du chocolat qui refroidissait dans le bol. Léa, la couche pendante, suçait avidement son pouce, en attendant patiemment que quelqu’un se décide à la mettre dans sa chaise haute.
Je l’ai installée, lui ai tendu son biberon de lait, et préparé des languettes de pain beurré. J’ai houspillé Benjamin pour qu’il déjeune, et demandé à Arthur s’il avait bien mis son linge au sale. Aucune réaction. J’enrage souvent de voir la facilité avec laquelle son père arrive à le faire parler pendant de longues minutes, alors que j’en tire au mieux des grognements. Son visage boutonneux et disgracieux d’ado s’anime, il sourit, fait de grands gestes. Alors que moi, qui le nourris, lui mets du linge propre sur le dos, l’emmène au sport, passe l’aspirateur dans l’antre malodorant qu’il appelle sa chambre, je n’ai pas eu de sourire qui me soit directement adressé depuis au moins deux ans.
La pendule au mur me criait silencieusement qu’il fallait qu’on soit partis dans moins de dix minutes si je voulais avoir mon train. J’ai pressé tout le monde, Léa sous le bras. Je lui ai changé la couche à même le sol du couloir pour pouvoir surveiller que Benjamin se lavait bien les dents. J’ai essayé de demander à Arthur d’habiller sa sœur pour pouvoir me donner un coup de brosse avant de partir, mais il avait déjà son casque sur les oreilles, et attendait devant la porte, un air de martyr sur la figure. Comme presque tous les matins, j’ai donc renoncé à me coiffer, je le ferais au boulot en arrivant, deux petites minutes dans les toilettes pour me donner vaguement un air humain avant d’attaquer la journée, brosse, gloss et un peu de mascara.
« Mamaaaaaaaaaan » a crié Benjamin au moment où je démarrais, « le gâteaaaaaaaaaau ». Exact, le gâteau, resté sur le plan de travail. J’ai détaché ma ceinture, je suis sortie de la voiture, et je me suis engouffrée dans la maison. En coup de vent, j’ai attrapé le gâteau, et je l’ai fourré dans un grand sac en plastique, en profitant pour filer un coup de coude vicieux au tibia de Grégory. Je déteste qu’il mette ses pieds sur le plan de travail. Il a levé les yeux de son journal, le sourcil interrogateur.
« Pourquoi t’es sur les dents comme ça, chérie ? Relax un peu ! »
Puis il s’est replongé dans sa lecture, il allait profiter d’une bonne demi-heure de calme et de tranquillité avant de se doucher et de partir travailler.
Pour aller chez la nourrice, ça va toujours bien, c’est après que les choses se corsent. Un gros rond-point dégobille chaque matin et chaque soir son flot de grands banlieusards vers la gare RER, c’est le bazar, ça coince. Et bien sûr, c’est le seul itinéraire possible pour rallier la gare. Nous sommes tous là comme des cons, à espérer passer et atteindre notre but avant le passage du RER de 8 h 2. Des centaines de gens qui migrent, s’apprêtent à passer un long moment dans les wagons surchargés, malodorants et vieillots, juste pour le plaisir de posséder un pavillon sans âme, avec jardin devant et jardin derrière, le même que celui de gauche et celui de droite. Pavillon dont nous ne profitons que peu, partant tôt et rentrant tard.
Quand Grégory avait trouvé ce lotissement, j’étais plutôt sur la défensive, à l’idée du temps de trajet que cela allait me valoir chaque jour. Il avait balayé mes réticences d’un geste de la main.
« C’est juste à côté de mon boulot, je ne rentrerai pas trop tard du coup. On s’organisera, ne t’en fais pas. »
Tu parles ! Je continue à tout gérer, tout assumer, et monsieur s’est inscrit au tennis, pour s’occuper le soir en attendant que nous rentrions tous, harassés de notre longue journée. Il arrive à peu près en même temps que moi, aux alentours de 19 h 15, et se barre à la douche, me laissant me débrouiller entre les devoirs et le dîner. Je hais ce pavillon, ce quartier, cette ville. J’ai l’impression que si je rentrais bourrée un soir, je ne saurais même pas reconnaître ma maison, tant l’uniformité de la rue est spectaculaire.
J’avais déposé mes enfants les uns après les autres, sous une pluie battante, et j’avais réussi à trouver une place sur le parking de la gare pas trop éloignée de l’entrée. Et il n’était que 7 h 59 ! Pas si mal ! Mais j’avais vite déchanté : un écriteau indiquait à l’entrée du quai « Suite à une agression d’agent à Châtelet-les Halles, le personnel est en grève, service minimum, un RER sur 6 en circulation ». Je scrutais le tableau des départs, incapable de croire ce que je voyais (8 h 55 prochain RER vers Paris), quand un gazouillis dans mon sac m’a annoncé l’arrivée d’un texto.
C’était Grégory : « plus de mousse à raser, arrête-toi pour en acheter ce soir ». Ni s’il te plait, ni merde, juste ces quelques mots.
Quelque chose a lâché à l’intérieur, comme un élastique qui claque ou une brindille qui craque. Un petit rien du tout sans doute, mais qui a tout fait vaciller. Un vent de folie qui a fait bouger mes cheveux dégoulinants.
Je suis ressortie de la gare, j’ai repris ma voiture, et je me suis rendue au supermarché. J’ai poussé mon chariot à toute vitesse dans les rayons, jusqu’à arriver aux produits de toilette. J’ai rempli tout le chariot de bombes de mousse à raser, que j’ai payées, soutenant sans broncher le regard perplexe de la caissière. Elle devait croire que j’avais entrepris de raser toute la population française !
Grégory était parti quand je suis arrivée à la maison, je l’ai tout de suite senti à cette atmosphère particulière des maisons vides. Je ne saurai jamais ce que j’aurais fait s’il avait encore été là. Puisque j’étais seule, j’ai monté mes sacs à la salle de bains, et j’ai vidé la totalité des bombes dans la baignoire après avoir fermé la bonde. À chaque fois qu’une bombe était vide, je la jetais dans le flot de mousse, et je la regardais s’enfoncer sans bruit. L’odeur des différents parfums était vite devenue écœurante, et je m’étais couvert la moitié inférieure du visage d’un foulard noué dans la nuque.
Après en avoir fini, j’avais quitté la salle de bains, armée d’un rouge à lèvres, et j’avais parcouru toute la maison pour barbouiller de larges « fuck you » sur tous les miroirs, les portes, le frigo, le four… Si toutefois la mousse se résorbait avant le retour de Grégory, aucun doute ne pourrait subsister sur le message pas très subliminal que je comptais faire passer.
Une fois un texto envoyé au boulot pour annoncer mon absence, j’avais repris la voiture, direction Paris.
J’ai passé la journée à faire des choses que je ne fais jamais : Spa, esthéticienne, manucure. Je me suis chouchoutée, j’ai été massée, exfoliée, épilée, huilée, hydratée, rincée, malaxée, gommée… Affamée en sortant de l’institut, j’ai déjeuné dans un restaurant étoilé d’un quartier chic, la grande classe, grands crus et mets raffinés. Je n’ai même pas regardé le montant de l’addition, j’ai composé mon code de carte bleue du bout de mes ongles rouge vif. Une amende m’attendait sur le pare-brise de la voiture, je n’avais pas payé mon stationnement. Je l’ai roulée en boule et je l’ai déposée dans une poubelle proche. Mon premier réflexe avait été de l’envoyer dans le caniveau d’une pichenette, mais ce n’est pas parce que je pétais les plombs que je devais polluer !
Il était 15 h, et je ne voulais pas rentrer avant Grégory, sinon à quoi bon ? S’il me trouvait sagement assise sur le canapé, tout ça n’aurait servi à rien. Un bon film m’a aidée à passer l’après-midi, une romance américaine pleine de bons sentiments et de romantisme, le genre de bluette que j’adore, mais que nous ne regardons jamais. Grégory refuse qu’on dépense du fric pour aller voir ces trucs de gonzesse, et le soir je suis bien trop fatiguée pour fixer mon attention sur un film.
En sortant du ciné, la pluie du matin avait complètement disparu, et une brise sympathique jouait avec les passants, faisait des vaguelettes sur la Seine. Deux ou trois mouettes se disputaient un morceau de pain sur le quai, et j’ai eu soudain envie de voir la mer, de sentir le vent marin dans mes cheveux, de sentir l’odeur du sel et des algues.
Un grand magasin se dressait derrière moi, j’y suis entrée, et j’ai fait quelques emplettes : valise en cuir souple (rose, parce que c’est joli), quelques vêtements et sous-vêtements, trousse de toilette et produits de beauté, des bottes en caoutchouc (avec des fraises imprimées), un bikini fluo, et pour finir des lunettes de soleil extravagantes, à la Jackie Kennedy, très grosses et très chères. J’éprouvais un plaisir pervers à régler tous ces achats, à imaginer la tronche de Grégory le jour où il découvrirait le relevé.
J’ai pris la route, direction Deauville. L’autoroute était calme, un jeudi en fin de journée, les voitures étaient rares. Pendant tout le trajet, j’ai mis mon CD de Rihanna, celui dont toute la famille se moque et que personne ne veut jamais que je mette. J’ai chanté à tue-tête, sans jamais laisser mon esprit penser aux gosses, ou à ce que j’étais en train de faire. J’ai savouré l’instant, en fumant des clopes à la chaîne.
Quelque part à mi-chemin, j’imagine que Grégory est rentré à la maison, et qu’il a découvert mes innovations en matière de déco. Je me demande s’il a quand même eu le cran d’aller au tennis ou s’il a commencé à flipper. Je ne suis pas assez naïve pour m’imaginer qu’il s’est donné la peine de nettoyer.
À peu près à l’heure où je suis arrivée à Deauville, la nounou a dû appeler, demander pourquoi personne n’était venu ramasser les gosses. S’il ne l’avait pas déjà fait, Grégory a sans doute cherché à me joindre, mais moi j’ai jeté mon portable sur la route, il git, explosé, quelque part entre Paris et Deauville.
Dans ma chambre d’hôtel luxueuse, enfoncée dans les coussins moelleux qui recouvrent le lit, j’imagine qu’il a pesté. Il n’a eu que deux choix : bouger son popotin et sortir son sacro-saint 4×4 du garage. Lui qui ne supporte pas qu’un môme monte dans son bijou, il a fallu qu’il y mette les trois. J’espère que Léa a essuyé sa morve sur les sièges, qu’Arthur a mis ses godasses puantes sur le tableau de bord, et que Benjamin a eu la bonne idée de vomir, lui qui supporte mal la conduite saccadée de son père.
Les mômes vont être ravis, ça sent la pizza du camion pour le dîner. Et vu la teneur de ce que j’ai laissé à la maison, je ne m’inquiète pas, Grégory ne préviendra pas les flics, il se doute bien que je suis partie de mon plein gré. Il va essayer de joindre mes collègues, apprendre que je ne suis pas allée travailler. Il va se tourner vers mes copines, leur demander si j’ai dit quelque chose. Aucun risque de ce côté, je n’ai rien prémédité. J’aurais pu à la rigueur me plaindre à mes amies, mais je ne les ai pas vues depuis des mois. À chaque fois que je veux caler un samedi après-midi entre filles, comme par hasard, monsieur a un match de tennis.
Ira-t-il jusqu’à oser appeler ma mère ? Je rigole toute seule de la conversation houleuse que cet appel entrainerait. Je pense qu’il ne le fera qu’en dernier recours.
Au départ, je pensais reprendre la route vendredi après-midi, après un bon bol d’air. Mais finalement, j’ai décidé de prolonger un peu, de profiter de cette parenthèse que tout le monde qualifiera sûrement d’hystérique. Pour ma part, je la décrirais plus comme salutaire.
J’ai claqué pas mal de fric en trois jours, mais je m’en fous. Hier soir, au resto de l’hôtel, un mec m’a fait du gringue. Pas la grosse drague lourdingue du beauf en espadrilles, le truc classe, élégant. Ça ne m’a fait ni chaud ni froid, je l’ai planté là, et je suis allée faire un tour au casino, où j’ai craqué un petit billet de 200, très princière.
Je l’aime ma petite famille, je les adore tous, je veux juste ne plus avoir à endosser mon costume de soubrette, être aux petits soins sans jamais un merci ou un sourire. Que cela leur serve de leçon, d’électrochoc, des choses vont changer. Après trois jours de malbouffe, de linge en bordel et de crises, je suis sûre que je vais être saluée comme le messie, qu’enfin ils me considèreront comme une personne. Je ne veux plus être la réserve de sang que ces quatre vampires aspirent en permanence.
Peut-être même que je m’arrêterai au refuge de la SPA en rentrant, et que je prendrai un chien, un bon gros pépère sympathique. Il mettra des poils partout, il faudra le sortir, mais ce n’est pas moi qui le ferai. Ce ne sera pas négociable.
Je vais rentrer, c’est sûr. Demain c’est lundi, il vaut mieux que je sois là. Je vais rentrer, mais pas tout de suite. Je profite encore un peu de la plage à marée basse, du soleil qui chauffe mon nez, des cailloux qui pointent dans le sable, des bruits de succion des couteaux qui s’enfoncent plus profondément en attendant le retour de l’eau. Je vais rester jusqu’à ce que la marée s’inverse, seule sur la jetée, avec les mouettes effrontées qui m’effleurent de leurs ailes. Quand les vaguelettes viendront lécher le bout de mes sandales, je reprendrai la route. Je devrais arriver à temps pour serrer Léa dans mes bras, lire une histoire à Benjamin, faire une partie de Mario Kart avec Arthur. Si l’humeur y est, je montrerai ma lingerie de luxe à Grégory.
Je vais rentrer.
je me souviens de cette merveilleuse nouvelle… elle est super bien appropriée pour l’occasion de cette fête de la femme… Brave Céline !
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