Non, je ne vais pas vous parler de l’excellent film de Jean-Jacques Annaud, même si je le revois régulièrement avec plaisir.
Stalingrad, c’est le titre d’un des livres que j’ai dénichés lors des Aventuriales de Ménétrol en septembre (oui, je suis faible, et j’achète en général autant voire plus que je ne vends quand je suis en dédicace sur un salon).
Il s’agit d’un premier roman, mais pas d’un auteur débutant, car sa bibliographie est déjà très longue. Il a publié quantité de nouvelles avant ce roman, ce qui ne pouvait que lui attirer ma sympathie immédiate, étant donné mon amour immodéré de ce format.
Avec Stalingrad, Emmanuel Delporte frappe très fort, ce qui lui a valu le prix Masterton 2017, rien que ça. Ce roman est difficilement classable, impossible de le caser dans une petite boîte bien nette (et c’est tant mieux). Il flirte avec l’horreur, trempe dans le fantastique, s’imbibe d’histoire, le tout sur un fond d’imaginaire délirant.
La plume d’Emmanuel est exigeante, très ciselée, et rappelle les beaux jours de la littérature horrifique du 19e siècle. Mais attention, cela ne signifie pas pour autant qu’il livre un roman à la prose ampoulée et démodée ! Loin de là ! La structure narrative du roman, qui casse régulièrement le rythme, est moderne et très intéressante. Comme si Max Brooks et Edgar Allan Poe s’étaient retrouvés pour comploter et inspirer Emmanuel Delporte. J’ai pensé également à Dan Simmons en lisant le roman, pour ses histoires empreintes de fantastique et d’horreur, tout en étant solidement ancrées dans la réalité. Accessoirement, le changement de rythme entre les cinq parties permet de respirer un bon coup, tant on a tendance à se mettre en apnée pour lire.
L’auteur mêle avec virtuosité les faits historiques connus et documentés de la bataille de Stalingrad aux légendes russes, à des personnages sombres (Hitler, Raspoutine), et à la tradition des savants fous qui a fait les beaux jours du cinéma et de la littérature d’avant-guerre. J’ai été fascinée, et j’ai littéralement dévoré le livre en quelques heures. N’hésitez pas à découvrir cet auteur, promis à un bel avenir.
La preuve une fois de plus qu’il ne faut surtout pas se contenter de faire son marché livresque en tête de gondole, squattée par les « grands » éditeurs. Il existe quantité de maisons plus modestes, recelant des pépites inattendues. Merci à L’ivre-Book d’avoir donné sa chance à Stalingrad.
Le pitch :
Où le trouver ? ici.
Page Facebook de l’auteur : là
Je lui laisse la parole.
1/ Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Avec plaisir ! J’ai 38 ans, je suis originaire de l’Isère, j’ai vécu à limoges et à Paris, je suis exilé en Bretagne depuis 7 ans, infirmier depuis 10 ans, écrivain depuis…. Longtemps. J’ai deux enfants et une compagne que je présente comme ma femme, même si on n’est pas mariés.
2/ Ton livre présente de solides connaissances sur la seconde guerre mondiale en général et la bataille de Stalingrad en particulier. Est-ce un domaine que tu connais bien ?
Je ne suis pas un spécialiste, ni un historien, mais c’est une période qui m’a toujours fasciné et horrifié. Mon histoire familiale y est pour beaucoup. Mon arrière-grand père s’est fait arrêter par la Gestapo, sous les yeux de ma grand-mère, âgée de 14 ans à l’époque. Personne ne sait ce qu’il est devenu et son corps n’a jamais été retrouvé. Un de mes arrières grand-oncle a été torturé et exécuté. Mon grand-père maternel s’est battu dans la première armée Française, au sein de la compagnie Rhin & Danube. J’ai écrit deux nouvelles qui se passent pendant la Seconde guerre mondiale, et je voulais aller plus loin. La bataille de Stalingrad représentant le tournant de ce conflit, il était logique que je m’y intéresse. L’écriture de ce roman a demandé un gros travail de documentation.
3/ As-tu un rituel d’écriture, un moment privilégié pour écrire ?
En réalité, j’écris quand je peux. Parfois, au milieu de l’ouragan qui dévaste mon salon, et qui prend la forme d’un petit garçon et d’une petite fille. En général, c’est le matin que je suis le plus productif, c’est donc un instant que je m’efforce de privilégier. Je coupe les téléphones et Facebook (le cauchemar des écrivains !), je ferme les volets, je lance une playlist (le plus souvent, des bandes originales de films ou de jeux vidéo) et je me concentre. Comme les enfants sont à l’école, c’est idéal.
4/ Si tu devais choisir entre les soins infirmiers et l’écriture, laquelle choisirais-tu ? Et pourquoi ?
L’écriture, sans hésiter. Si je pouvais, je ne ferais que ça. Quand j’écris une histoire, j’en ai dix qui viennent toquer à la porte. Je ne pourrai pas les écrire toutes, et ça m’agace. D’un autre côté, mon métier d’infirmier me rappelle ce qui est le plus important dans la vie : la santé, la recherche du bonheur, les rapports humains. Mais l’hôpital public est engagé sur la pente de la rentabilité et ce métier devient de plus en plus difficile à exercer. De nombreux infirmiers craquent, plusieurs se sont suicidés cette année. C’est une profession incompatible avec la notion de profit, et cette dichotomie met les soignants à genoux.
5/ Quel est l’adjectif qui te définit le mieux selon toi ? Et selon tes proches ?
Impulsif !
6/ Si tu ne devais plus lire qu’un seul livre jusqu’à la fin de tes jours, lequel choisirais-tu ?
C’est une question horrible… Il y en a trop. Mais ce serait « Voyage au bout de la nuit ». Je ne partage en rien les opinions de Céline, qui est abject, mais il a écrit un roman qui a changé l’écriture pour deux siècles, au moins.
7/ Quelle est ta définition d’un dimanche parfait ?
Du soleil, un barbecue, des amis, un peu (ou beaucoup, tant qu’à faire) de bière et de vin, de la musique, des arbres.
8/ Lequel de tes personnages aurait le plus de chances de survivre à une apocalypse zombie ? Pourquoi ?
Ils finiraient tous par mourir.
9/ Dernière question (la question piège qui peut t’attirer des millions d’ennemis) : pain au chocolat ou chocolatine ?
Sans hésiter : pain au chocolat ! Obi Wan Kenobi est d’accord avec moi.
10/ Le mot de la fin ?
Merci à toi pour t’être intéressée à Stalingrad. J’ai essayé d’écrire un divertissement intelligent, un récit rythmé qui nous met face à des horreurs qui auraient pu être évitées. L’homme est capable de tout. Malheureusement, il ne le prouve le plus souvent qu’en dévoilant ses pires côtés. Pourtant, il est également capable du meilleur. Nous avons plus que jamais besoin de fraternité, de respect, de bienveillance, de chercher quelle est notre place sur cette planète et dans l’univers. J’espère que les années à venir inverseront le cours de l’histoire, même si je suis plutôt pessimiste.