A la Foire du livre de Bruxelles, j’ai passé quelques heures à dédicacer aux côtés d’un sympathique personnage, féru de séries et tombé dans la marmite Geek. J’ai nommé Bertrand Crapez. Un bonheur n’arrivant jamais seul, il se trouve qu’il vient de commettre un ouvrage chez le même éditeur que moi, Livr’S éditions.
J’ai d’abord été happée par le titre 1, 2, 3… Zombies ! (forcément, dès qu’il s’agit de zombies, je perds tout sens commun, tant je les aime !). Puis, la couverture, originale et très drôle, m’a fait de l’oeil (voir plus bas).
Forcément, je l’ai acheté ! Et lu.
Présentation de l’éditeur :
Au commencement était une eau spéciale, née au fond d’une éprouvette, dans un village perdu du Jura. Si bleue… Si belle… Ce jour-là, personne ne chanta « Il est né le divin enfant ». Pourtant, elle allait changer le monde… Maligne et pleine de ressources, elle se lia d’amitié : à un lapin d’abord, puis une grenouille, un hamster, une salade, une gourde Spiderman dans un avion, un bébé dans le ventre de sa maman, une factrice, un chauffeur de bus, un maître d’école, une jeune mariée, un robot… Bref, sa notoriété passa très vite les frontières pour devenir mondiale ! Comme toute star, il lui fallait un pseudo à la hauteur de son talent : My name is Zomb. Water Zomb ! « 1.2.3… zombies ! » vous montrera plusieurs chemins, et tous apporteront des réponses. Mais êtes-vous prêts à les entendre ? Aurez-vous assez de tripes pour voir celles de vos congénères ? Pire : saurez-vous assumer de rire du malheur des autres ? Vous allez découvrir que les zombies ne sont pas les êtres les plus effrayants. Non. Les vivants vous feront froid dans le dos, à leur manière…
Alors, je vous vois venir, la lippe désabusée. Vous pensez « mouais, bof, moi, les zombies… » C’est parce que vous n’avez pas lu le livre !
Franchement, j’ai rarement autant ri (jaune) à la lecture d’un livre. C’est un peu comme si Bertrand Crapez avait fait un état des lieux de tout ce qui choque et dérange dans notre société, et s’était demandé comment faire pour crier son indignation.
Il aurait pu décider d’écrire des pamphlets obscurs que personne n’aurait lus. Il aurait pu répandre son vague à l’âme sur les réseaux sociaux, s’attirant quelques commentaires sympathiques d’amis virtuels. Il aurait pu sombrer dans un désenchantement misanthrope.
Il a choisi de nous livrer un court roman d’une acidité à faire pâlir d’envie un baril de vinaigre, avec une construction originale. En effet, la narration est chronologique, mais est constituée d’une suite de saynètes qui pourraient presque être indépendantes les unes des autres. Souvent hilarantes, ces petites histoires piquent, grattent, égratignent, pour notre plus grand bonheur. Tout le monde en prend pour son grade, des fraudeurs aux allocations aux réalisateurs de télé-poubelle, en passant par les politicards aux dents longues et les migrants.
Avec une plume simple trempée dans le vitriol, Bertrand démonte tous les rouages qui font de nos sociétés occidentales des broyeuses humaines, bien plus violentes et dangereuses que les pauvres zombies. Comme pour Valéry Bonnaud, je ressors de ma lecture avec le sentiment d’avoir affaire à un humanisme profond. Tous deux ont compris que l’humour est souvent, sinon la meilleure arme, du moins le meilleur moyen de faire passer des messages et de relâcher la pression.
Tous les codes traditionnels de la littérature zombie sont bien présents, mais tordus jusqu’à complète distorsion, pour mieux montrer qu’au final, les morts-vivants ne font que répondre à un instinct contre lequel ils ne peuvent lutter. Les humains, en revanche… Nul héros, nul leader charismatique, mais une succession de personnages petits (dans le sens de mesquins).
On s’amuse et on réfléchit, ne s’agit-il pas du combo ultime ?
Place à Bertrand Crapez.
1/ Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Je suis Lillois, né en 73 dans une ville minière (je parle donc le ch’ti couramment, compétence vitale dans la vie, on est d’accord !). J’ai voulu être avocat, puis officier de gendarmerie, finalement je sers l’Etat français en enseignant le français depuis 20 ans. J’en suis plutôt fier, mais j’ai bien morflé pendant 13 ans en ZEP. En parallèle j’ai été trompettiste pendant des décennies, j’ai essayé de faire mon trou en tant que scénariste de série, j’ai écrit pendant un temps pour un site culturel… et je suis (un peu) rôliste, gros joueur de MMORPG, lecteur, bédéphile, sériphage, arachnophobe…
2/ Tes livres sont (pour l’instant) dans le domaine de l’imaginaire, est-ce une évidence pour toi ? Envisages-tu de passer un jour à la littérature dite « blanche » ?
Je pense être bien plus efficace en fantasy ou en SF qu’en littérature plus réaliste. Dans ma trilogie arthurienne, outre un voyage au cœur de mythes souvent méconnus, je propose un voyage initiatique, comme nombre d’auteurs reconnus l’ont fait avant moi. Dans le roman de zombies qui vient de sortir, on a peur c’est vrai, mais les monstres ne sont pas un but en soi, ce qui compte c’est la satire sociale qui est dépeinte. Ce livre est d’abord un miroir tendu au lecteur pour l’amener à réfléchir sur les petites lâchetés de tout un chacun. Donc peu importe le genre littéraire choisi, seuls comptent le plaisir ressenti et la réflexion qui en découle.
Les Contes philosophiques de Voltaire par exemple, ou Gulliver de Swift, le Conte du Graal de C. de Troyes, les récits mythologiques de l’Antiquité… tous ces grands classiques relèvent de l’imaginaire selon les critères actuels, alors que les batailles chez JP Jaworski ou chez Tolkien feraient pâlir d’envie un Stendhal ou un Victor Hugo. Je suis de formation universitaire classique, je comprends très bien la notion de nuances dans les registres et les genres, je tolère les étiquettes marketing rassurantes des « couleurs » : littératures noire, rose, blanche, arc-en-ciel… Mais je refuse catégoriquement cette hiérarchie ridicule, instaurée par des auteurs snobs (et leurs comparses universitaires et médiatiques), qui consisterait à dire que la « blanche » est la plus belle, la plus littéraire, la plus aboutie, la seule capable d’éclairer le chemin qui mène à la compréhension des méandres de la psyché humaine… (et oui, moi aussi je sais faire des phrases pédantes et creuses si je veux, hum? héhéhé…). Et je le refuse parce que c’est faux. Bragelonne et d’autres ont eu l’intelligence de rappeler il y a quelques mois, dans le cadre du « mois de l’imaginaire », que le 1er lauréat du prestigieux Prix Goncourt (place-forte des « belles lettres »), début XXème, était un auteur de SF. Et oui ! Donc perso, la litté blanche telle qu’elle se présente me donne souvent des idées noires. « Moi, ma vie, mes blessures, mes chagrins, mes amours, mes lâchetés, mon moi et mon sur-moi…. » c’est bon, merci, je passe ! La blanche se regarde trop le nombril, personnellement je préfère lorgner vers l’horizon… poil au menton (comme n’aurait pas dit Flaubert). Le réalisme n’est qu’une vue de l’esprit, une musique parmi tant d’autres…
3/ As-tu un rituel d’écriture, un moment privilégié pour écrire ?
La nuit de préférence, je dors peu en période d’écriture et je ne vois personne. Il me faut mon clavier car il est rétro-éclairé et il a de grosses touches bien solides. Je colle mon casque sur les oreilles, j’écoute le même album pendant des mois et je bosse comme un damné… Et j’aime ça, je dois bien l’avouer.
4/ Si tu devais choisir entre l’enseignement et l’écriture, lequel choisirais-tu ? Et pourquoi ?
J’ai donné tout ce que je pouvais au métier de professeur, mais ce métier m’a aussi tout pris pendant des années : mon temps, mon énergie, ma joie, mes espoirs, mon estime de soi parfois… J’ai travaillé trop longtemps dans des endroits trop dangereux, ou simplement trop durs pour me sentir réellement utile. Pourtant écrire n’a jamais été pour moi un pis-aller ou un exutoire cathartique. Non, écrire est à mes yeux un métier exigeant qui demande des compétences pointues. Un métier carré pour fabriquer du rêve… Je pense avoir ces compétences et si un jour je dois choisir, l’écriture aura, je pense, ma préférence.
5/ Quel est l’adjectif qui te définit le mieux selon toi ? Et selon tes proches ?
L’adjectif voulu n’existe pas… A mes yeux, je suis un «ennuyophobe », rien que l’idée de ne rien faire m’effraie. L’ennui, ça devrait être interdit ! C’est pour cela que je ne suis pas fan des longues siestes sur les plages, mon cerveau s’emmerde à mourir. Et pour mes proches, ils me trouvent souvent très distrait.
6/ Si tu ne devais plus lire qu’un seul livre jusqu’à la fin de tes jours, lequel choisirais-tu ?
Question compliquée, mais réponse simple pour moi : aucun. Non pas parce que je ne réussirais pas à en choisir un, mais parce que je crains que relire inlassablement, ad vitam aeternam, le même livre finisse par me le rendre insupportable et que je me mette à le détester ! Et comme je suis incapable de jeter un livre, il deviendrait mon tortionnaire. Donc non, je me contenterais, dans ce cas de figure assez apocalyptique, de me remémorer le plus possible de livres lus et de les raconter aux autres, comme dans le roman de Bradbury « Fahrenheit 451 » (et si je suis seul sur une île déserte, je n’aurais pas d’autre choix que de me faire pote avec les mouettes pour leur parler de ça…)
7/ Quelle est ta définition d’un dimanche parfait ?
Un dimanche n’est parfait que selon plusieurs critères tous nécessaires :
* il doit faire beau
* le lendemain est un lundi férié
* faire un barbecue le midi avec ma famille et mes amis dans le jardin
* refaire le monde en acceptant d’emblée qu’on ne changera rien ce dimanche-là
* finir par une pétanque
* se rendre compte qu’il est déjà l’heure de l’apéro et relancer un barbecue pour cuire les surplus du midi
8/ Normalement, cette question est traditionnellement : « lequel de tes personnages, tous livres confondus, aurait le plus de chances de survivre à une apocalypse zombie ? Pourquoi ? » Mais pour toi, elle devient : « lequel de tes personnages, tous livres confondus, aurait le plus de chances de survivre à une après-midi avec la licorne d’Hello Kitty ? Pourquoi ? »
Alors pour info, dans « L’héritier du roi Arthur », je tue quand même quatre licornes noires qui se retrouvent aux prises avec une plante carnivore géante, hum ? Cela signifie que je ne suis pas le plus grand amoureux des équidés cornus. Mais peut-être que Dorylas, mon capitaine centaure, serait celui qui ferait le plus preuve de patience et de bienveillance…
9/ Dernière question (la question piège qui peut t’attirer des millions d’ennemis) : pain au chocolat ou chocolatine ?
Ah c’est pas sympa comme question ! J’ai des super copains dans le Bordelais, je ne veux pas me fâcher avec eux pour une question de sémantique. Mais bon, allez, je vais être honnête : quand je prends mon petit déjeuner dans un café, je dis toujours : « Garçon siouplait, un grand café et un croissant » (désolé, c’était au-dessus de mes forces, j’aime trop mes potes pour une histoire de viennoiserie !)
10/ Le mot de la fin ?
Faim… ? Sérieusement, si c’est le mot de la fin de toute chose, alors je dirai quand j’y serai : « Ah, enfin la saison 2 ! ». Et si c’est pour cette fin de discussion provisoire, alors ce sera : « rêvez comme vous l’entendez, ne laissez personne vous dire ce qui est bon pour vous, et ce qui ne l’est pas »
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