Écrire, c’est, la plupart du temps, une activité éminemment solitaire (je dis la plupart du temps, car certains écrivent à quatre mains, donc ils ne comptent pas). Forcément.
Quand un livre plaît, on encense l’auteur.
C’est clair qu’il le mérite, c’est lui qui souffre de la production de la matière première brute, il se charge de la gestation du manuscrit.
Une fois le dernier point posé à la toute fin de l’ultime phrase (même si un livre peut tout à fait finir sur un ? ou un !), l’auteur peut enfin remonter à la surface et se mêler au commun des mortels.
Commence alors un long travail d’équipe.
1/ Il faut d’abord en passer par la phase de bêta-lecture. Qu’est-ce donc ? Le manuscrit est lu par d’autres personnes, dont la mission est de faire un retour argumenté : faiblesses scénaristiques, incohérences, oublis, mollesse des personnages… Tout passe à la moulinette de leur oeil de lynx (ouais, l’image est chelou, mais ici c’est moi la chef).
C’est grâce aux bêta-lecteurs que l’auteur va réaliser ce que son cerveau épuisé par trop de relectures n’arrive plus à capter. Que Stéphanie qui est décrite comme blonde page 32 devient subitement une belle brune page 157. Que la flic allergique aux chats en caresse un page 79 sans moufter. Que la rue De Gaulle ne pouvait pas se nommer ainsi puisque l’action du livre se situe en 1920. Etc.
Chaque auteur fonctionne à sa façon. Pour ma part, j’ai mes deux lecteurs immuables, Mélo et Loweek, indéboulonnables, intransigeants, qui lisent tout ce que je produis (je suis obligée, sinon, ils me tuent). Pour mes deux derniers romans, j’ai également lancé un appel à volontaires sur les réseaux sociaux, afin de varier les lecteurs.
2/ Une fois que les bêta ont rendu leur verdict, le manuscrit est retravaillé en fonction de leurs remarques, avant de partir en correction pro, soit via l’éditeur, soit chez un correcteur choisi par l’auteur dans le cas de l’autoédition. Ma mienne à moi, c’est Fofie, traqueuse aguerrie et impitoyable de coquilles et lourdeurs en tous genres (oh oui, corrige-moi Fofie !).
3/ Quand, enfin, le livre voit le jour, et que l’auteur le tient entre ses petites mains moites de bonheur, il faut en faire la promo et aller le vendre. C’est là que le bât blesse pour beaucoup d’entre nous. Habitués à de longs tête-à-tête avec notre clavier d’ordinateur (ou notre cahier, pour ceux qui ont zappé qu’on est au 21e siècle), c’est compliqué de passer des heures et des heures en salons ou librairies pour parler de la prunelle de nos yeux avec les flâneurs. Où situer l’équilibre entre marketing honteusement racoleur et humilité extrême ? (je me vois mal dire « achetez mon roman, il est excellent ! » ;))
Heureusement, j’ai rencontré bien plus d’auteurs sympa que d’abrutis, et cela permet de se donner des idées et de se serrer les coudes. Voire de se servir d’attachés de presse respectifs (n’est-ce pas Véronique ?)
4/ Et je ne parle même pas des fidèles assistants de salons, Juju et Loweek dans mon cas, qui déménagent patiemment des cartons de bouquins du coffre de la voiture au stand et inversement, qui occupent les lecteurs le temps que l’auteur fasse sa pause pipi / clope / piapiatte avec les copains / finisse sa bouchée de pomme… Ceux-là même qui réconfortent à la fin d’un salon vide de visiteurs et qui ferment les yeux si l’on dévalise les autres stands.
Merci à tous ces acteurs de l’ombre, sans qui nos livres ne seraient pas ce qu’ils sont, ils supportent et partagent sans broncher nos humeurs, nos doutes, nos angoisses.
Et nos bonheurs.