Les salons littéraires, c’est bien souvent l’occasion de faire de très belles rencontres : lecteurs, auteurs, passionnés de livres de l’organisation…

Mais, il faut être honnête, c’est aussi parfois des moments très WTF, décalés, drôles ou carrément hallucinants. Des souvenirs qui font rire quand suffisamment d’eau a coulé sous les ponts pour avoir le recul nécessaire (parce que quelquefois, hein, il faut mobiliser tout ce que l’on possède de patience et de diplomatie pour ne pas exploser).

Mon florilège, sous forme de top 5, des deux côtés de la table et côté orga.

Les lecteurs :

1/ Le pas à sa place : « De toute façon, je n’aime pas lire » (ok, c’est ton droit, mais pourquoi tu perds ton dimanche dans un salon du livre ????). Celui-là triture allègrement TOUS les livres du stand, de préférence juste après s’être délecté d’une barquette de frites à la buvette, et fait la moue en permanence.

2/ L’aspirant écrivain : « Je vous prends votre livre, parce que moi aussi je voudrais écrire, mais je n’ai aucune imagination. Ça me donnera des idées au moins » (gaffe au plagiat, poulette, c’est si vite arrivé).

3/ La bonne copine mal informée :  « Je cherche un livre pour l’anniversaire du fils de ma copine. Mais je ne sais pas quel âge exact il va avoir, ni ce qu’il aime lire. En fait, je ne suis pas sûre qu’il aime lire » (bon, on n’est pas rendus, là)

4/ Le relou : a bien compris que l’auteur est coincé et se doit d’être aimable en toutes circonstances. Monopolise le stand pendant 45 minutes – de préférence à l’heure de pointe du salon – durant lesquelles vous avez droit à toute sa vie, celle de sa famille, les problèmes gastriques de son chat et les troubles érectiles de son mari. C’est moins cher qu’un psy, pourquoi ne pas en profiter ? Et qui s’en va sans avoir posé ne serait-ce qu’une question sur un des ouvrages présentés.

5/ La groupie : elle ne vous connaît pas, se fout de vous et vos ouvrages, elle n’est là de toute façon que pour obtenir une précieuse dédicace de tel ou tel auteur « star » qu’elle idolâtre. Vu qu’il n’est pas encore arrivé, elle passe le temps en vous narrant par le menu toutes les occasions où elle a pu l’approcher. Elle défaille quand il se montre enfin, et c’est à vous de la mettre en PLS quand elle commence à hyperventiler.

 

Les auteurs voisins de stand :

1/ L’ego démesuré : il est le seul digne de l’appellation d’écrivain sur tout le salon. Les autres méritent tout au plus celle de vague scribouillard. Il le sait, et le fait savoir. Il passe la journée à dénigrer les invités du salon (et vous n’osez imaginer ce qu’il dira sur vous dans un prochain salon), les visiteurs, l’organisation, en termes sarcastiques et même injurieux. De toute façon, son génie est tellement évident qu’il se demande pourquoi vous ne ramassez pas vos livres pour les brûler, vous n’atteindrez jamais son niveau. Et puis, un bel après-midi de 1976, il a croisé Romain Gary dans le métro, qui lui a souri, ça prouve quelque chose, non ?

2/ Le marchand de poissons : il alpague tout ce qui passe, sans vergogne, vous arrache violemment les lecteurs avec qui vous êtes en pleine discussion, pour leur coller son propre livre entre les mains. Il harcèle les gens de façon éhontée, et ne les laisse repartir, épuisés, qu’après qu’ils lui aient acheté un livre. Il les a à l’usure, les travaille au corps. C’est presque un art.

3/ Le has-been : un jour, au siècle dernier, il a eu son (petit) moment de gloire. Ancien candidat de télé-réalité, chanteur d’un unique tube dans les années 80, actrice vieillissante habituée des plateaux d’AB productions… Ils sont nombreux les invités d’honneur de salons qui ont commis un livre par prête-plume interposé, et qui cherchent à vivoter en surfant sur la vague d’une splendeur passée. Il n’adresse pas la parole de la journée à ses voisins, mais adresse d’étincelants sourires figés aux lecteurs qui viennent faire dédicacer les mémoires sans saveur de celui qui finalement n’a jamais vraiment été.

4/ Le Pierre Richard : la journée à ses côtés est une suite ininterrompue d’incidents. Il arrive très en retard, son carton de livres crève juste avant la table et déverse son contenu dans les allées du salon déjà ouvert, il renverse son café sur sa pile de livres, il se prend les pieds dans les lanières de son sac et s’étale en s’ouvrant le menton, il fait tomber sa caisse et les pièces s’éparpillent partout, il a oublié ses stylos, vous en taxe à longueur de journée, vu qu’il les égare avec une belle constance… Vous souriez, un peu triste pour lui. Jusqu’à ce qu’il vous bouscule au moment où vous buvez une gorgée de coca (et vous vous retrouvez à faire d’abord le concours de t-shirt mouillé, puis sec mais sale).

5/ Le Doc Gynéco : clairement, la vente de livres n’est qu’un objectif très secondaire de sa présence. Il est là pour chasser de la femelle. Dès qu’un jupon de moins de soixante-quinze ans passe à sa portée, il déploie toute sa panoplie de séducteur invétéré. De préférence avec artillerie lourde. Il commente les poitrines, les fessiers, glisse des allusions graveleuses toutes les deux phrases. La matinée n’est pas encore terminée que vous vous faites déjà des rêves éveillés où vous lui tranchez le pénis avant de lui enfoncer dans la gorge.

 

L’organisation :

1/ L’option démerde-toi : pas de buvette, pas de bouteilles d’eau, personne pour accueillir, etc. C’est le salon où si vous avez besoin de quoi que ce soit, eh bien, tant pis pour vous ! Même les toilettes ne sont pas clairement indiquées et vous errez pendant de longues minutes dans les méandres du gymnase municipal, avant d’enfin les trouver. Et, bien sûr, ce sont des chiottes à la turque, sans papier.

2/ L’option la musique adoucit les mœurs : dès l’arrivée, des haut-parleurs de mauvaise qualité diffusent le top 50 fun radio/la compil Mireille Matthieu/de la musique d’ascenseur. Plus la journée avance, plus les visiteurs affluent, et plus le son augmente. Sans doute dans l’idée que la musique va rendre le brouhaha ambiant moins pénible. En fait, non, ça l’empire. Mais ils n’en démordront pas.

3/ L’option tous coupables : des bénévoles arpentent les allées d’un pas martial, coulant des regards soupçonneux à tous. Il ne faudrait pas qu’un visiteur chipe un ouvrage. Des contrôles aléatoires de sacs sont effectués, au grand déplaisir des gens. Mais les auteurs en prennent aussi pour leur grade. « Z’avez réglé le repas de midi ? Et la consigne du verre, vous l’avez payée ? Vous êtes en règle avec le paiement du stand ? » Après deux ou trois heures, vous êtes prêts à vous auto passer les menottes.

4/ L’option bénéfice maximum : déjà, le coût de l’inscription au salon n’était pas donné. Mais une fois sur place, le parking est payant, on vous réclame 15€ pour un panier repas comportant un minuscule sandwich jambon sans beurre, une pomme et une bouteille d’eau. Dans les toilettes, c’est de l’eau chaude qui coule, si vous avez soif c’est 2,50€ la bouteille d’eau. Et, cerise sur le gâteau, on vous retient 20% de vos ventes à la fin de la journée.

5/ L’option maire futé : tout est gratuit, mais le maire fait défiler toute la journée la bibliothécaire, les élus, la directrice de l’école, les associations du coin… Tous vous expliquent avec des trémolos dans la voix à quel point les temps sont durs, et tentent de vous extorquer des dons de livres à tire-larigot. Si vous refusez, ils vous regardent comme si vous étiez coupable de crimes contre l’humanité. Après tout, « si même les auteurs ne font rien pour soutenir la culture, que va devenir le monde ? »

fou

(5 commentaires)

  1. ben dis ! c’est hallucinant ! tout ça s’est réellement passé ? bien sûr, c’est un condensé de plusieurs salons mais quand même ! glouppsss ! effarant !

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