Je vous ai déjà parlé des livres de ma copine Véronique Chauvy, Le cri des hyènes et Une promesse bleu horizon. Des romans historiques de belle facture, offrant une place de choix aux femmes.
Son troisième ouvrage vient de sortir, et je remercie De Borée éditions de me l’avoir adressé en service presse. Il s’agit d’Aux douceurs du temps.
Quatrième de couverture :
Avril 1892. Lorsque Juliette apprend qu’elle est l’héritière d’une confiserie à Clermont-Ferrand léguée par un oncle dont elle n’a jamais entendu parler, elle comprend que cette nouvelle va changer son destin. La jeune fille aux origines modestes n’aurait jamais pu imaginer devenir un jour elle-même « confiseuse ». Mais est-ce un métier pour une femme ? Saura-t-elle remettre à flot ce petit commerce et égaler la réputation des plus grands artisans de la ville ? Qui est cet oncle mystérieux et pourquoi l’a-t-il choisie, elle ? Va-t-elle relever le défi et tenter sa chance ? Happée par la curiosité, Juliette accepte de visiter cette boutique si bien nommée Aux Douceurs du temps… Malgré l’interdiction de son père et les manigances de ceux pour qui elle représente une future concurrente, sa décision est prise : elle sera « confiseuse »!
Je savais que l’Histoire avec son grand H solennel avait une moindre part dans ce roman, l’autrice le dit elle-même. Sachant que c’est ce qui m’avait enthousiasmée dans ses deux précédents livres, j’aurais pu ne pas apprécier ma lecture.
Il n’en est rien.
En effet, l’histoire de Juliette est prenante, on se laisse vite happer par ce destin de femme, qui n’a rien d’une héroïne capable d’accomplir des exploits incroyables, comme on en trouve dans trop de romans (rendant ainsi l’intrigue peu crédible). Au contraire, la jeune femme est représentative des femmes de son époque, encore engluées dans une société patriarcale qui régit leur vie, mais qui commencent à revendiquer le droit à une existence propre. Les suffragettes ne sont pas loin, la guerre de 14 non plus, et le formidable vent de liberté qui va souffler pour les femmes est déjà discernable dans l’histoire de Juliette.
Comme d’habitude, Véronique ancre ses personnages dans un quotidien minutieusement décrit, détaillé et dans lequel il n’est pas difficile de s’immerger. On découvre ce métier de confiseuse, ses aléas, ses joies, ses techniques, et on en a l’eau à la bouche (surtout que j’adore les pâtes de fruits 😉 ). Ce quotidien se heurte régulièrement aux événements historiques, en bien ou en mal, permettant au lecteur de comprendre comment ils ont pu être perçus par les gens de l’époque : 800e anniversaire de l’appel aux Croisades, exposition universelle…
C’est là que se situe à mon sens la force des romans de Véronique Chauvy : cette capacité à ne pas se contenter de relayer l’Histoire, mais de nous la donner à voir par les yeux de ceux qui l’ont vécue, que ce soit en tant qu’acteurs ou en tant que simples spectateurs. Cette façon d’envisager les choses est très plaisante et permet de se détacher de notre façon de penser du XXIe siècle pour adopter la vision de l’époque.
Sa plume est toujours aussi fine et belle, je me suis même surprise à lire certains passages à voix haute, afin de les savourer autant de l’oeil et de l’oreille. La langue est magnifique, chaque phrase aussi appétissante et ciselée qu’une gourmandise confite (oui, je sais, l’analogie était facile, puisqu’on parle d’un roman sur les confiseurs). Pour autant, rien d’ampoulé ou de strict, les pages coulent naturellement, les unes après les autres.
Pour moi, Aux douceurs du temps voit une véritable évolution dans l’écriture de Véronique : elle s’autorise désormais à se lâcher un peu plus dans la construction et la psychologie de ses personnages, elle s’affranchit du joug de l’Histoire pure, pour pénétrer à l’intérieur des êtres. Et c’est juste magique à lire ! Sans doute avait-elle besoin de prendre confiance en elle, en ses capacités, pour donner libre cours à son talent (cette fin… mon Dieu… cette fin !).
Ses deux premiers étaient bons, le troisième est excellent.
Mesdames et messieurs, une romancière est née (elle l’était déjà, mais je crois qu’elle commence seulement à être en mesure de l’accepter).
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