Je viens de voir passer sur les réseaux sociaux un post dégoulinant de mépris de la part d’un auteur, dans lequel il crache à la figure des autres auteurs qui se rendent dans les salons du livre ou qui participent à des séances de dédicaces dans les librairies. Il va jusqu’à dire, je cite « tous ces gens qui font la pute derrière leur table ».
Ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de propos. Allez savoir pourquoi aujourd’hui ça me fait sortir de mes gonds ! Je n’en peux plus de ces auteurs à l’égo boursouflé, qui se tirlipotent le nombril dans leur coin, étant persuadés d’être les nouveaux Zola ou Flaubert et qui ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas riches à millions, adulés des foules et devant refuser les offres mirifiques d’éditeurs du monde entier. Et qui, accessoirement, crachent en permanence leur venin sur les autres, qu’ils jalousent férocement s’ils croient deviner l’ombre d’un minuscule succès.
Ça me met en rage parce que c’est nier l’implication, le dévouement et l’extrême bienveillance des bénévoles qui suent sang et eau pour organiser des salons. J’en connais plusieurs personnellement, je vois bien à quel point ils s’usent pour offrir aux auteurs comme aux visiteurs des évènements de qualité. Ils seraient donc des proxénètes, si on suit la logique de ces olibrius à deux balles ?
Et que dire des lecteurs enthousiastes, qui nous enchantent par leurs retours emplis d’étoiles dans les yeux ? Ces gosses intimidés qui chérissent avec bonheur leur tout premier livre dédicacé ? Toutes ces personnes qui deviennent des amis au fil des ans et qui guettent notre passage dans leur ville ? Les voilà donc relégués au rang de sordides clients avides de relations tarifées ?
Belle mentalité pour des personnes censées manier le verbe de façon intelligente et raisonnée ! Quelle arrogance puante ! Ils oublient un élément capital : certes, sans les auteurs, le livre n’existerait pas. Mais sans lecteurs, l’auteur n’est plus rien qu’un scribouillard obscur.
Ils se croient dans un passé fantasmé, où L’AUTEUR, cet être de lumière, vit dans sa tour d’ivoire, loin de la plèbe, et consent de temps à autre à honorer la populace de sa fugace présence. Hey, les gens ! ça, c’est la vie de Michael Jackson ou du Pape ! Pas celle de petits trucs dans votre genre.
Dans la réalité passée, présente et future, l’auteur n’est qu’une personne comme les autres, qui doit garder les pieds sur terre et faire preuve d’un minimum d’humilité. Personne n’est forcé de participer à des salons. J’en connais qui se contentent d’envoyer leurs manuscrits et qui laissent les ventes se faire (ou pas), de loin et sans mettre les mains dans le cambouis. Que ce soit par timidité, peur de la foule, manque d’envie, manque de temps, etc. Toutes les raisons sont bonnes, puisqu’elles sont les leurs et personne n’a le droit de les en blâmer.
Même ceux qui méprisent le lectorat en ont le droit. Tant qu’ils le font 1/ en silence 2/ sans affubler de noms d’oiseaux ceux qui agissent différemment.
Sachez, mesdames et messieurs les orgueilleux, qui traitez les auteurs se rendant en salon de putains, leurs lecteurs de clients sales et les organisateurs de proxénètes dans leurs bordels, que je vous conchie.
Oui, aller en salons, c’est s’exposer à passer des journées sans voir un quidam. C’est prendre de plein fouet des réflexions parfois désagréables ou blessantes. C’est faire de la route, de la manutention de caisses de livres, jouer à la marchande sans en avoir forcément le talent.
Mais c’est aussi tellement de BONHEUR, de moments de grâce, de rencontres extraordinaires, de pépites de magie au milieu d’un monde souvent violent… que je le clame haut et fort :
Je suis fière d’être une pute !